Personne n’avait prĂ©vu qu’une pandĂ©mie – de Covid-19 – allait tout bouleverser. Nous vivons une pĂ©riode Ă©trange, inattendue et dĂ©concertante, une vĂ©ritable catastrophe ! Il y a des morts tous les jours et nous sommes prĂ©occupĂ©s par le risque dâinfection, menacĂ©s par un ennemi insaisissable, dangereux qui met notre vie en danger. Nous devons rester prudents et respecter toutes les mesures obligatoires : le confinement qui nous Ă©loigne des proches et du monde, le lavage rĂ©pĂ©titif des mains, la distanciation, le masque qui cache notre visage et nous irrite mais que nous portons par nĂ©cessitĂ© afin de nous protĂ©ger dâune Ă©ventuelle contamination
Le masque risque de rompre notre lien avec le monde extĂ©rieur en nous dĂ©possĂ©dant dâune partie importante de notre visage. Il nous soustrait au regard dâautrui et dissimule ainsi une part de notre identitĂ©. Mais, pour Emmanuel Levinas « le visage ne sâidentifie pas uniquement Ă la figure. Il nous rappelle notre fragilitĂ©, notre exposition Ă la maladie et Ă la mort mais nâexclut pas que lâautre ait un visage, câest-Ă -dire quâil soit singulier, porteur dâune fragilitĂ©, dâune mortalitĂ© et quâil invoque notre responsabilitĂ© ».
Dans un extrait d’Ăthique et infini, E. LĂ©vinas Ă©crit :
« Je pense [âŠ] que lâaccĂšs au visage est dâemblĂ©e Ă©thique. Câest lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les dĂ©crire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure maniĂšre de rencontrer autrui, câest de ne pas mĂȘme remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleur des yeux, on nâest pas en relation sociale avec autrui. La relation avec le visage peut certes ĂȘtre dominĂ©e par la perception, mais ce qui est spĂ©cifiquement visage, câest ce qui ne sây rĂ©duit pas… Le visage est exposĂ©, menacĂ©, comme nous invitant Ă un acte de violence. En mĂȘme temps, le visage est ce qui nous interdit de tuer » .
Pour David Le Breton, le visage est le lieu de la reconnaissance de lâautre et oĂč lâon doit aussi rĂ©pondre de ses actes. Sans dĂ©ligitimer le port du masque dans le contexte de cette pandĂ©mie, le prix Ă payer semble lourd. Il nous dĂ©figure et altĂšre le lien social car chacun perçoit lâautre comme un danger, une menace pour sa santĂ©. Il risque aussi de nous libĂ©rer de toutes nos responsabilitĂ©s. Mais il ne mettra pas Ă mal la convivialitĂ©. « Certes, nos rites dâinteractions sont bouleversĂ©s, mais nous en inventons dâautres. Nous gardons aussi un immense dĂ©sir de retrouver une libertĂ© de mouvement mais surtout de sortir indemne de cette crise sanitaire ».
Tous ces changements perturbent actuellement notre vie sociale et familiale. Lâambiance est anxiogĂšne et les rapports humains ne sont plus les mĂȘmes. Les jours passent et se ressemblent. Lâoptimisme est devenu un besoin !
                                              Bonne et heureuse année 2021
1 Corine Pelluchon, âQuand on ne rencontre que des gens masquĂ©s, on a le sentiment dâĂȘtre seul au mondeâ, Mis en ligne le 28/05/2020.Â
2  Emmanuel Lévinas (1906-1995), Ethique et infini (1982)